Première - Chapitre 12 : Comment se construisent et évoluent les liens sociaux? - Partie 2
III. Quels sont les effets des nouvelles technologies sur le lien social ?
-Comprendre comment les nouvelles sociabilités numériques contribuent au lien social.
Voyons maintenant comment les nouvelles technologies de l’information et de la communication (ordinateurs, internet, smartphones, applications d’échange et de partage…) ont impacté la sociabilité, c’est-à-dire les liens qu’entretiennent les individus entre eux et la forme de ces liens.
L’idée préconçue, c’est que le numérique viendrait nuire aux échanges, nous enfermer dans un face à face solitaire avec la technologie, nous couper de nos proches, etc…
C’est ce qu’on pourrait se dire face à une scène de ce type désormais classique.
Mais ce serait en rester aux apparences.
Faisons un premier constat : les nouvelles technologies numériques sont d’abord des moyens de mettre en contact des individus entre eux. Boîtes mail, sms, applications de type facebook, messenger ou whatsapp, instagram, etc… toutes servent à communiquer des messages, des informations, des images, bref, à être en contact ! Mais également à montrer, à dire ou alore à voir, à commenter, bref, à avoir une activté sociale.
Et les jeunes sur la photo plus haut sont sans doute en train de partager des choses entre eux, de communiquer avec des amis qui ne sont pas là et vont les rejoindre, etc… de trouver des informations pour organiser la suite de leurs activités (quel film passe au cinéma, à quel heure passe le prochain bus pour le centre-ville…).
Les technologies numériques sont donc un support à la sociabilité et pas forcément un frein. Mais quelles sociabilités ?
Des sociabilités classiques nous disent le texte. On a accès au monde entier mais pas vraiment d’intérêt à entrer en contact avec n’importe qui. Le numérique renforce donc les contacts que l’on a déjà IRL (in real life, comme on dit dans le monde des jeux vidéo). Ou en tout cas permet de substituer des contacts numériques aux contacts en face à face si l’on en croit le texte.
On aurait donc tort de penser que le numérique nuit au lien social même si les adultes, qui n’ont pas grandi avec ces technologies peuvent s’étonner de ce type de scènes.
Pointons d’ailleurs un paradoxe : les parents critiquent volontiers les usages que leurs enfants font du numérique mais sont généralement pressés de leur mettre un téléphone dans le sac à dos pour pouvoir les joindre et les contacter à tous moments !
Et d’ailleurs, les nouvelles technologies, ça n’est pas uniquement à l’usage des jeunes même s’il y a un effet d’âge et de génération plus ou moins important selon
Et d’ailleurs le numérique, ça ne concerne pas que les jeunes !
Parmi ces moyens d’échange, on distingue bien ceux qui concernent plus les plus âgés (email, téléphone parce que plus anciens et plus utilisés dans le monde du travail) et ceux qui concernent davantage les plus jeunes (réseaux sociaux et app de messagerie) parce que plus récents. Mais ces outils sont malgré tout bien diffusés dans la société.
Par contre, si l’usage du numérique devient une condition nécessaire pour être en contact avec les autres, se procurer l’information, effectuer des démarches, alors on peut s’inquiéter du fossé qui existe entre les plus jeunes et les plus âgés (moins équipés ou moins à l’aise) ou entre différentes catégories de la population, comme cela apparaît dans ce dernier document.
On constate en effet de fortes disparités dans la fréquence à laquelle les individus se connectent à internet en fonction de leur catégorie socio-professionnelle. Même si ces écarts se réduisent, il y a encore 20 points d’écart entre les cadres, qui sont les plus connectés quotidiennement, et les agriculteurs ou 30 points d’écart avec les ouvriers qui sont les moins connectés avec un peu plus de 60% d’individus se connectant tous les jours.
Il y a évidemment des déterminants professionnels à ces différences : les cadres et professions intellectuelles supérieures sont plus amenés à utiliser internet pour le travail et peuvent y développer une certaine aisance avec les outils informatiques. La question des revenus détermine également l’équipement de chaque catégorie socio-professionnelle. Mais si les agriculteurs comptent parmi les moins connectés, c’est aussi pour des raisons d’infrastructures : leur lieu de vie, à la campagne, les prive souvent de réseau téléphonique ou de connexion internet ( ou de réseau de qualité) ! C'est ce qu'on appelle les zones blanches.
IV. Les facteurs d’affaiblissement du lien social
-Comprendre comment différents facteurs (précarités, isolements, ségrégations, ruptures familiales) exposent les individus à l’affaiblissement ou à la rupture de liens sociaux.
On l’a vu au-dessus, l’intégration d’un individu à la société, sa capacité à établir et à entretenir des liens en plus de partager avec les autres des normes et valeurs, peut dépendre de la catégorie sociale à laquelle il appartient. Et elle peut aussi être fragilisée par certains facteurs.
Et dans nos sociétés hyper-connectées, on peut subir l’isolement.
http://www.francetvinfo.fr/france/video-un-francais-sur-cinq-se-sent-seul_356536.html
Au-delà des personnes âgées qui sont citées (perte des amis ou du conjoint, éloignement géographique des enfants, fin de la vie professionnelle, baisse de la mobilité, placement en institution, etc…) deux facteurs favorisant l’isolement sont cités : les ruptures familiales et le chômage.
On a décrit l’importance des solidarités familiales et intergénérationnelles et on comprend bien pourquoi les situations de rupture (divorce, conflits familiaux mais aussi éloignement géographique) peuvent priver les individus de la reconnaissance et de la protection qu’offrent ces liens privilégiés.
C’est la même chose pour le travail qui constitue, avec la famille, une des principales instances d’intégration.
En effet, dans des sociétés où domine la solidarité organique décrite par Durkheim, on est relié aux autres par des liens de complémentarité basés sur la fonction qu’on occupe. Le chômage, surtout s’il dure longtemps, prive donc un individu de cette forme d’utilité sociale (même s’il y en a d’autres : s’occuper ses enfants ou de ses parents, s’investir dans une association...) et de la reconnaissance qui va avec.
Les contacts professionnels disparaissent, tout comme l’existence d’un revenu stable, offrant sécurité et accès aux loisirs et à la société de consommation.
La précarité, c’est-à-dire la situation instable d’un individu qui l’empêche de se projeter dans l’avenir en raison du chômage ou d’emplois de courte durée, sont ainsi des facteurs de désaffiliation pour le sociologue Robert Castel.
Il s’agit d’un processus par lequel les liens qui relient les individus à la société se défont, se fragilisent. Les plus exposés sont ceux qui verraient disparaître à la fois les liens familiaux et les liens professionnels.
Sur la carte ci-dessous on est donc bien intégré si l’on est en haut à droite (++), on peut connaître des situations de fragilité si l’on se situe en bas à droite (+-) et en haut à gauche (-+).
Ces situations de fragilité, voire de désaffiliation peuvent être collectives dans certaines zones géographiques défavorisées où le chômage est important et la pauvreté touche une part importante de la population.
Le taux de pauvreté dépasse ainsi 50% de la population dans certaines villes de la Réunion et plus de 40% dans certaines villes de banlieues parisiennes comme vous pouvez le lire ici: https://www.inegalites.fr/Les-communes-les-plus-touchees-par-la-pauvrete-2086
On peut aller jusqu’à parler de phénomènes de « ségrégation » dans les quartiers périphériques populaires des grandes villes, les « quartiers défavorisés » ou les « banlieues » à partir du moment où l’on sait que la mauvaise réputation de ces villes ou quartiers nuisent à l’employabilité des personnes qui en sont originaires : ce facteur devient un motif de discrimination à l’emploi par exemple.
C'est ce que décrit cet article : https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/05/discriminations-des-jeunes-des-quartiers-populaire-des-murs-a-abattre_5237903_3232.html
Au final, le lien social est bien plus fragilisé par la rélégation d'une partie de la population, sa mise à l'écart, que par le développement du numérique...
Pour ceux qui poursuivent les SES en terminale, vous aurez l’occasion de revenir sur la question du lien entre la transformation de l'emploi et l'intégration. Pour les autres, j'espère que vous aurez trouvé cela instructif.