Sciences économiques et sociales - le blog de M. Engel

Sciences économiques et sociales - le blog de M. Engel

Thème 2


Terminale Thème 2 - Chapitre 1 : Comment s’articulent marché du travail et gestion de l’emploi ?

 

INDICATIONS COMPLÉMENTAIRES : En se limitant à une présentation graphique simple et en insistant sur les déterminants de l’offre et de la demande, on expliquera l’analyse néo-classique du fonctionnement du marché du travail. Pour rendre compte de la spécificité de la relation salariale, on montrera l’intérêt de relâcher les hypothèses du modèle de base en introduisant principalement les hypothèses d’hétérogénéité du facteur travail et d’asymétrie d’information. À partir de quelques exemples, on montrera que le taux de salaire dépend également du résultat de négociations salariales et de l’intervention de l’État.

Acquis de première : salaire, marché, productivité, offre et demande, prix et quantité d’équilibre, asymétries d’information,.

NOTIONS : Taux de salaire réel, salaire d’efficience, salaire minimum, contrat de travail, conventions collectives, partenaires sociaux, segmentation du marché du travail.

 

 

Le modèle de base du marché du travail

 

Dans la perspective néoclassique (modèle de base du marché du travail), le travail (def : activité humaine qui conduit à l'élaboration de biens ou de services) est considéré comme une marchandise, c’est-à-dire qu’il s’échange sur un marché contre un prix (le taux de salaire réel) déterminé par la rencontre de l’offre et de la demande de travail.

 

L’offre globale et la demande globale de travail sur le marché correspondent à l’agrégation de toutes les offres et demandes individuelles de travail correspondant à une multitude de calculs individuels, microéconomiques.

La Demande de travail

Les entreprises représentent la Demande de travail : ce sont elles qui souhaitent acheter le temps de travail des ménages pour assurer leur production. Dans une perspective néoclassique qui ne s’intéresse pas à la question des débouchés, la Demande de Travail dépend d’un calcul coût-avantage réalisé par l’employeur: une entreprise achète une unité de travail tant que sa productivité marginale (ce que lui rapporte cette dernière unité de travail) est supérieure ou égale à son coût marginal (ce que coûte cette dernière unité de travail). Elle embauche donc tant que cela lui apporte un profit supplémentaire. 

Selon la loi des rendements décroissants, la productivité marginale du facteur travail est décroissante (si la quantité de l’autre facteur, le capital, reste fixe et l’on considère que c’est le cas à court terme) et ce que les entreprises sont prêtes à payer pour acquérir une unité de travail supplémentaire décroit donc également.

Comme toute courbe de demande, la courbe de la Demande de travail est donc décroissante, c’est une relation inverse entre les quantités et les prix.

 
A partir du moment où le coût marginal du travail devient supérieur à la productivité marginale du travail, l’entreprise substitue du capital au travail : elle a plutôt intérêt à investir si elle souhaite augmenter sa production.

Attention: les entreprises demandent du travail mais offrent des emplois.

L’Offre de Travail

Ce sont les ménages qui offrent leur travail, ils vendent une quantité plus ou moins importante de leur temps contre un prix, le taux de salaire réel, qui leur donne accès à la consommation de biens et services. Les ménages réalisent également un arbitrage (calcul coût/avantage) entre le travail et le loisir, calcul qui s’effectue également à la marge.

Il offre son travail tant que le taux de salaire réel est supérieur à la désutilité marginale du travail (c’est-à-dire la pénibilité représentée par une heure de travail supplémentaire). Lorsqu’un travailleur travaille une heure de plus, il renonce à une heure de loisir supplémentaire et subit un surcroit de fatigue. Il faut que le prix qu’on lui paye compense cette désutilité. 

Ainsi, la courbe d’offre de travail est croissante : plus le salaire s’élève, plus un travailleur est prêt à travailler et offre de travail. Plus le salaire est faible, plus le travailleur a intérêt à réduire son offre de travail et à profiter de ses loisirs (il ne renonce qu’à peu de biens et services dans ces circonstances).

 

 Remarque : l’existence de revenus de remplacement, par exemple de revenus du patrimoine ou de prestations sociales, modifie les termes de l’arbitrage travail/loisir. Les ménages peuvent choisir de profiter de leurs loisirs tout en consommant grâce à leurs revenus de remplacement.

 

Attention: les ménages offrent leur travail mais demandent des emplois.

Le taux de salaire réel :

le taux de salaire réel est le prix d’une unité de travail (un coût pour l’employeur mais un revenu pour l’offreur) prenant en compte le niveau des prix. Si le travail est une marchandise, le prix du travail est fixé par la rencontre de l’offre et de la demande sur le marché du travail.

Il s’agit alors d’un prix unique, d’équilibre.

 

 

 

 

Si les quantités demandées augmentent, la courbe d’offre se déplace vers la droite et le taux de salaire d’équilibre augmente : pour pourvoir les offres de d’emploi, les entreprises sont obligées d’offrir davantage aux ménages pour le sacrifice qu’ils réalisent en travaillant davantage.

 

 

 

Si les quantités de travail offertes augmentent (plus de travailleurs sur le marché par ex), la courbe d’offre se déplace vers la droite. Le taux de salaire d’équilibre diminue en raison de la concurrence entre les travailleurs.

Dans cette perspective, il ne peut y avoir de chômage : si les chômeurs souhaitent travailler, ils reverront leurs exigences salariales à la baisse, ce qui leur permettra d’être embauchés.

 

 

 

Un déséquilibre ne peut être que passager car le marché est autorégulateur.

L’équilibre sur le marché du travail est l’équilibre de plein emploi : tous ceux qui souhaitent travailler au prix d’équilibre peuvent le faire. Si chômeurs il y a, ce sont des chômeurs volontaires : ils exigent un niveau de salaire trop élevé (supérieur au salaire d’équilibre) .

 

Le seul chômage possible dans ce cadre théorique est un chômage frictionnel c’est-à-dire un chômage de court terme, transitoire correspondant au temps d’adaptation d’ajustement de l’offre et de la demande, du temps nécessaire pour trouver un nouvel emploi pour une personne licenciée, de déménager, etc…

 

La seule possibilité d’un chômage de longue durée dans le cadre du modèle de base, est l’existence de rigidités institutionnelles faussant le libre fonctionnement du marché et l’ajustement des quantités ou des prix.

 

Pour les quantités, certaines règles empêchent leur ajustement :

-          Règlementation sur les licenciements

-          Durée légale du travail

-          Règlementation sur les jours fériés ou le travail dominical      

 

Pour les prix, ils peuvent ne pas être flexibles :

-          Heures supplémentaires majorées

-          Salaires majorés pour le travail de nuit

-          Cotisations sociales qui alourdissent le coût du travail  pour les employeurs

-          Salaire minimum

 

Le SMIC : Dans le cas où ce salaire-plancher se situe au dessus du salaire du taux de salaire réel d’équilibre, il existe un déséquilibre entre l’offre et la demande de travail : des salariés qui sont prêts à travailler pour le salaire d’équilibre ne peuvent pas le faire, l’offre de travail est rationnée et il existe donc un chômage involontaire qui touche les travailleurs dont la productivité marginale est inférieur au SMIC.

 

La solution contre le chômage involontaire est simple pour les néoclassiques : il faut supprimer les entraves au bon fonctionnement du marché. Il s’agit de rendre plus flexibles les conditions d’embauche, de licenciement et de rémunération.  Il faut également réduire ce qui alourdit le coût du travail pour les employeurs (les cotisations sociales) et ce qui fausse le calcul des offreurs de travail (les allocations chômage ou le RSA).

Le marché du travail est cependant un marché particulier et certaines hypothèses de la concurrence pire et parfaite (CPP) ne sont pas respectées, ce qui a des implications quant à la fixation des salaires.  

 

 Le relâchement de certaines hypothèses du modèle néoclassique

 

Le modèle néo-classique de base repose sur des hypothèses très strictes, notamment :

  • transparence (tous les acteurs disposent au même moment et sans coûts des mêmes informations) ;
  • atomicité (offreurs et demandeurs très nombreux et indépendants de  manière qu'aucun n'ait de poids suffisant pour peser sur le marché) ;
    • homogénéité du facteur travail (des qualifications et donc de la productivité) ;
    • parfaite mobilité des facteurs de production (travailleurs prêts à changer d'emploi ou de région).
    • Libre entrée sur le marché

 

Certaines de ces  hypothèses doivent être relâchées pour rendre compte de la spécificité du marché du travail.

 

L’existence d’asymétries d’information

 

L'asymétrie d’information est une situation dans laquelle certaines caractéristiques d’une transaction sont connues d’une partie et ne peuvent pas, sans coût supplémentaire, être découvertes par l’autre partie.

La relation salariale présente des asymétries d’information, car les employeurs peuvent difficilement contrôler directement le travail des salariés. Comment s’assurer que les salariés soient aussi efficaces que possible une fois engagés ? Les procédures de contrôle (contremaîtres, définition et contrôle des objectifs,…) sont coûteuses et pas toujours efficaces : un contrôle excessif est de nature à décourager l’initiative des salariés et leur implication (cf cours de première sur les limites du taylorisme et du fordisme).  

 

Les employeurs peuvent alors utiliser le salaire comme instrument de motivation des salariés en versant un salaire supérieur au salaire d’équilibre. L’idée est simple : plus le salaire est important, plus le salarié sera motivé et aura tendance à accroître sa productivité (sentiment de reconnaissance de son travail, peur de perdre son poste dans cette entreprise ou de ne pas trouver ailleurs un poste aussi intéressant).  On parle de salaire d’efficience.  

Du côté de l’employeur, cela permet de réduire le turn-over, de fidéliser la main-d’œuvre et de réduire ainsi les coûts de formation.

 

L’hétérogénéité du facteur travail

On ne peut pas considérer que le travail soit une marchandise homogène : les salariés ont des qualifications, des diplômes et des niveaux de productivité très variables. Il ne peut donc y avoir un salaire d’équilibre unique.

Les économistes considèrent que le marché du travail est segmenté, c’est-à-dire qu’il existe un dualisme, une séparation entre un marché primaire et un marché secondaire du travail.

 

Le marché primaire est composé d’employés en CDI (contrats à durée indéterminés) bénéficiant de bons niveaux de salaire et de protections sociales. Les salariés bénéficient généralement de qualifications et peuvent progresser à l’intérieur des entreprises qui pourvoient les emplois disponibles en interne.

Le marché secondaire correspond à des emplois instables (CDD, interim), peu protégés et moins bien rémunérés. C’est sur ce marché que les candidats sont réellement en concurrence pour les emplois disponibles. Le modèle de base du marché du travail ne s’applique en réalité qu’au marché secondaire, aux travailleurs moins qualifiés.     

 

On peut également s'interroger sur l'hypothèse d'atomicité : les salaires sont-ils uniquement le résultats de négociations individuelles entre offreurs et demandeurs ? En réalité, les normes d'emploi, le niveau des salaires et les conditions de travail sont bien souvent le résultat de négociations collectives entre représentants des employeurs et représentants des salariés: les syndicats. La relation slariale n'est pas qu'une relation marchande: elle est institutionnalisée, socialement encadrée par les négociations collectives mais aussi par la loi. 

 

 

L’institutionnalisation de la relation salariale

Droit du travail et conventions collectives

Lors du développement de la société industrielle, le droit du travail est très réduit voire inexistant. Il n’existe pas de salaire minimum et le travailleur vend souvent sa force de travail à la journée et pour un salaire dérisoire, le rapport de force étant favorable aux employeurs : la main d’œuvre est abondante, les travailleurs se font concurrence entre eux.  

 

Il faut attendre 1841 pour que le travail des enfants de moins de 8 ans soit interdit en France. On travaille encore 15 à 17h par jour à cette époque. Les coalitions et la grève sont interdits jusqu’en 1864 et les syndicats ne deviennent légaux qu’en 1884. Le travail ne permet alors ouvriers que de subsister, de reproduire leur force de travail. Il n’existe pas de système généralisé de protection sociale : pas d’assurance maladie, pas de garantie contre les accidents du travail, pas de retraite.

 

Ce n’est que très progressivement que se mettent en place dans certaines entreprises, à l’initiative des travailleurs mais aussi parfois des patrons, des caisses de prévoyance.

 

Petit à petit, un droit du travail va se développer suite à des négociations, à des conflits sociaux (parfois très violents et durement réprimés) ou à l’initiative des gouvernements. Parmi ces avancées, on peut citer :

 

-    le contrat de travail qui sécurise la relation employeur/employé : durée, conditions de travail, salaire, etc…

-    la limitation de la durée du travail : 8 heures par jour en 1919, 40h par semaine en 1936,  39h en 1982, 35 heures en 2000.

-    les premiers systèmes de retraites (1910)    

-    les congés payés : de deux semaines en 1936, ils passent à 3 en 1956, puis à 4 en 1969 et enfin à 5 semaines en 1982.

-    Le salaire minimum : SMIG en 1950, SMIC en 1968

 

1936 est un bon exemple d’avancée du droit du travail : suite à l’arrivée au pouvoir du Front Populaire, un gouvernement de gauche, une grève générale éclate dans le pays avec occupation des usines, bloquant l’économie du pays. Les syndicats de travailleurs et de patrons négocient sous l’égide du gouvernement pour arriver à des avancées notables : premiers congés payés, limitation de la semaine de travail.  

 

En plus de la loi, les partenaires sociaux (syndicats d’employeurs et de salariés) peuvent se mettre d’accord pour améliorer les conditions de travail de tous les salariés (accord interprofessionnel) dans un secteur d’emploi particulier (accord de branche) par des négociations collectives aboutissant à des « conventions collectives ». Il est possible également de signer des accords d’entreprise. Ainsi, le salaire minimal proposé à un salarié au moment de l’embauche dépende de la loi et des éventuelles conventions collectives et accords d’entreprises et non d’une négociation individuelle. Dans tous les cas, il n’est pas possible de payer un salarié sous le SMIC. Le SMIC augmente automatiquement deux fois par an.

 

Ainsi la relation salariale est encastrée dans des rapports sociaux et les conditions de travail et les salaires sont le fruit de négociations collectives.  

Les normes d'emploi et leur remise en cause

 

Des normes d’emploi vont également se développer, des formes d’emploi typiques. Il s’agit en France du CDI à temps complet : un emploi protecteur et permettant de retirer assez de revenu de son travail pour vivre décemment. Le licenciement a un coût (indemnités de licenciement) et doit être justifié par l’employeur.

 

De plus, le travail est associé à un certain nombre de droits sociaux qui se sont étendus après 1945 : assurance chômage, assurance maladie, assurance retraite.

Robert Castel parle à ce sujet du développement de la « société salariale ». 80% des salariés sont en encore embauchés en CDI à l’heure actuelle.

 

Cette norme d’emploi va être progressivement remise en cause à partir des années 70, notamment en raison du développement d’un chômage de masse.

On assiste au recul de la norme d’emploi typique au profit d’emploi atypiques : CDD, temps partiel, emploi temporaire (intérim), emploi saisonnier, travail indépendant (l’auto-entrepreneur par exemple)… et une part croissante de la population est exclue du travail salarié (les chômeurs mais aussi les inactifs qui se sont retirés du marché du travail).

 

75% des nouvelles embauches se font aujourd’hui sous la forme du CDD. Ceux qui sont durablement privés de travail sont également exclus du système d'assurance sociale et ne peuvent bénéficier que de "minimas sociaux": RSA, minimum vieillesse...  On peut donc parler d’effritement de la société salariale.  


06/10/2017
0 Poster un commentaire

Ces blogs de Enseignement & Emploi pourraient vous intéresser